07 septembre 2006

Quand la prison mentale disparaît dans le ciel

Au sujet de la reformation perpétuelle de la prison des construits mentaux.

Même l'enseignement spirituel le plus raffiné peut se transormer en prison conceptuelle dès lors que les mots et les pensées sont assimilés à la vérité elle-même. Regardons à l'intérieur : y a-t-il résitance à un autre enseignement que le sien ? Celui-ci est bon, celui-là est mauvais ?

La nature de la pensée est de circonscrire, de diviser les objets mentaux pour en faire des entités bien délimités, bien définissables par des mots.
La pensée est incapable d'appréhender l'Absolu, car sa nature est d'étiqueter, de définir, donc de délimiter, de circonscrire l'infini. Comment mettre des frontières à ce qui n'a pas de frontière distinguable ? Le mental veut atterrir sur quelque chose, or nibbana / nirvana ne peut pas être saisi, pris par le mental.

De nombreux enseignants inspirés par la non-dualité, comme Eckhart Tolle, soulignent que leurs mots ne sont que des "pointers" (en anglais, des indices, des panneaux indicateurs, des conseils) mais qu'ils sont sans valeur en eux-mêmes. Le Bouddha disait qu'il ne faisait que pointer du doigt et encourageait à investiguer par soi-même au-delà de l'autorité, de la tradition (le célèbre Kalama Sutta).

Malgré cela, tout enseignement a la capacité de se transformer chez nous en dogme, en idéologie, en religion (dans son sens péjoratif) à chaque occasion. La pensée essaie constamment de solidifier les expériences, les interprétations, les convictions. Elle essaie de construire des fondations inattaquables à partir de mots la plupart du temps polysémiques ! Elle lutte contre les interprétations adverses et critique ceux qui les défendent. Tout DOIT être blanc ou noir, bien ou mal, oui ou non.

Le fait d'être conscient, le simple fait d'être, contient tout cela à la fois. Comment pourrait-il se réduire à l'un deux sans trahir la réalité ? Tout concept est relatif. Il n'est vrai qu'en s'inscrivant dans un réseau d'interprétation de la réalité. Il ne prend son sens que dans un réseau sémantique qui est relatif à la personne, à la situation, bref à un contexte de sens. L'intérêt et l'attention porté à tel ou tel aspect est aussi relatif.

L'attention portée à ce qui est absolu, infini, toujours là, est libérateur. La pensée ne voit que le nuage dans le ciel. Pourquoi vouloir être aussi léger qu'un nuage quand on peut être le ciel ?

1 commentaire:

Al a dit…

Oui. Je ne pensais pas particulièrement à l'advaita en l'écrivant, mais cela s'applique à tout enseignement. En fait, c'est un raccourci trompeur de parler d'"enseignement non duel" : dès que quelque chose est mis en mot, en forme, il devient limité et désigne l'opposé de quelque chose d'autre. Il peut pointer vers le non-duel, mais en lui-même il est duel. Dès que les mots sont pris pour la vérité elle-même, cela peut mener à une sorte d'intégrisme/ fondamentalisme / fanatisme... bref une rigidité de l'esprit qui exclut et se rétrécit sur des formes particulières, qui voit la vérité à l'extérieur dans l'expression des choses et non dans leur essence.

Tout se fait au nom de la "pureté" d'une forme. En prônant une pratique particulière de non-identification, le mental s'identifie.

Mais, il est vrai qu'il est difficile, voire impossible de ne pas tomber dans la dualité des mots, dans les polarités du monde, si nous n'avons pas déjà eu un aperçu de ce qui transcende toute polarité... L'"Absolu", la "transcendance" ou toutes les étiquettes ne sont alors que des concepts vides, des pures idées, un "trip" mental.

C'est l'intérêt d'enseignements directs qui pointent directement et immédiatement vers la transcendance des mots et des étiquettes, et de la dualité du couple plaisir/souffrance, lié aux formes, au monde manifesté. Ils encouragent à l'investigation intérieure permettant d'apercevoir la transcendance.